Citation de la semaine 50
- Grégoire Taconet
- 31 juil.
- 2 min de lecture
Dernière mise à jour : 5 août

"Le sens va naître des sens, car ils nous disent une complexité particulière que nous n'avons jamais appréhendée auparavant, puisque nous ne nous sommes jamais trouvés auparavant devant cette personne, cette famille, ce groupe." François Roustang
Avec cet extrait, François Roustang met des mots sur ce qui fait, d'un point de vue pragmatique, de l'humilité un pilier de la thérapie. Chaque personne est différente, chaque situation est différente, l'ouvrage théorique le plus pertinent et exhaustif imaginable ne couvrira jamais tous les possibles. On peut même aller plus loin : chaque personne est différente de séance en séance ("nous n'avons jamais été auparavant en ce jour, en cette heure, avec ces personnes qui se trouvent dans cette situation à ce jour et en cette heure"), c'est même précisément ce qu'on cherche à faire en tant que thérapeute, et le·a thérapeute est différent·e de séance en séance parce qu'il se trouve que c'est également une personne.
Quel que soit le niveau d'expertise, il manque, donc, quelque chose de fondamental si on fait l'économie de l'ouverture. Et, sans prise de distance avec l'expertise, il n'y a plus d'ouverture possible, seulement un amoncellement de cases dans lesquelles on va s'efforcer de faire rentrer les différents éléments qu'on a pu relever. Ça m'évoque beaucoup les principes révélés dans L'Erreur de Descartes : l'intuition traite les informations bien plus rapidement, donc en prend une infinité en compte, et elle est complémentaire avec une approche rationnelle, plutôt qu'en opposition.
C'est là où je vais moins suivre François Roustang. Certes il accorde avec mansuétude que oui, la théorie, c'est utile aussi. Pour autant, l'article (et chapitre du livre La fin de la plainte) s'intitule "Comment changer ou en finir avec la psychologie". En finir, rien que ça! Pourtant, la théorie, c'est pour le moins important. Il faudra m'expliquer, sinon, déjà dans quel contexte des thérapeutes vont avoir son livre entre les mains si on "en finit" avec la psychologie, et d'autre part à quoi sert cette ouverture, cette intuition, s'il n'y a aucune connaissance en amont (oui, je caricature, mais c'est lui qui a commencé!).
En effet, avant que l'intuition thérapeutique ne puisse être mise au service d'une ouverture, d'une humilité indispensable ("j'ai lu tous les livres -et même certains deux fois!-, pour autant je ne sais pas régler le problème pour l'instant") -ce n'est d'ailleurs pas si surprenant qu'un progrès significatif relevé par François Roustang découle d'une situation de blocage-, il faut qu'elle puisse s'appuyer sur quelque chose! "Nous n'avons jamais été auparavant en ce jour, en cette heure, avec ces personnes qui se trouvent dans cette situation à ce jour et en cette heure", et c'est vital de le rappeler, d'autant que le confort du fauteuil de thérapeute peut le faire oublier un peu vite, mais c'est important d'avoir des éléments solides pour s'adapter de façon satisfaisante, pour s'ajuster passée la surprise, pour bien comprendre et accompagner.
Les connaissances théoriques restent indispensables, mais elle seront bien plus utiles si elles sont au service de l'humilité, si elles ne font pas oublier l'ignorance nécessairement infinie face à la complexité de l'être humain, si elles servent à s'ajuster et non à s'efforcer de faire rentrer la réalité dans des cases.
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