top of page

Citation de la semaine 46

  • Photo du rédacteur: Grégoire Taconet
    Grégoire Taconet
  • 16 juin
  • 3 min de lecture
Pticarus s'exprime, probablement une photo de l'entretien dont la citation est extraite

"tous les gens qui venaient dans ma chambre, souvent des gens en blouse, je leur expliquais ce qui m'étais arrivé et les liens que je faisais avec l'histoire de ma mère, avec ce que j'avais vécu et je les voyais qui écrivaient quelque chose : "Ah super, ils sont en train d'écouter mon histoire, je vais pouvoir leur faire entendre, c'est incroyable, tout ce que j'avais vécu : je savais plus dans quelle dimension j'étais, j'étais un dauphin, j'ai vu des robots." Dix ans plus tard, j'ai récupéré mon dossier psychiatrique, et j'ai vu ce qu'ils avaient marqué : "délire confus à tendance mystique". C'était comme ça qu'ils avaient résumé tous les efforts que je faisais pour essayer de leur transcrire mon expérience." Pticarus


Cette citation, découverte dans la revue Santé Mentale et extraite d'un entretien sur Radio Libertaire (6min30), porte des messages multiples.


Le plus évident, c'est que les personnes qui délirent sont, pleinement, des êtres humains, avec leurs émotions, leur souffrance, leur besoin d'être écouté, qui n'est, ça devrait être plus évident que ça ne l'est, pas moins légitime que celui des personnes dont l'expression est perçue comme plus cohérente.


Un autre message sautera, je pense, aux yeux et aux oreilles de ceux et celles qui se forment ou se sont formées à la psychothérapie : l'importance du sujet complexe de la grille de lecture. Apprendre à accompagner, c'est aussi apprendre à avoir une attention sélective, à donner de l'importance, du sens, à certains éléments, par définition au détriment d'autres. Par exemple, en tant que thérapeute ACP, je vais chercher à être particulièrement sensible aux émotions exprimées de façon verbale ou non verbale, à la façon dont la personne vit, personnellement, ce qu'elle traverse plutôt que sur ce qu'elle traverse (bon, ça, c'est laborieux parce que c'est très contre-intuitif), à la façon dont je peux reformuler son vécu de la façon la plus précise possible, ... Un·e thérapeute orienté·e TCC va plutôt relever ce qui peut être transformé en objectifs mesurables, un·e thérapeute systémique la complexité de l'équilibre permis et/ou entretenu par la souffrance, ... On peut difficilement faire autrement, sauf que, comme le disait Maslow (à moins que ce ne soit Einstein, la citation est attribuée aux deux), "quand on a la tête en forme de marteau, on voit tous les problèmes sous forme de clous". L'écart, là, est particulièrement ostensible : tant de contenu exprimé, et ce qui a été entendu se limite au diagnostic. Être un marteau sophistiqué, c'est bien, mais attention à ce qui n'est pas un clou.


Moins accessible, et je ne peux qu'espérer des progrès sur ce point, Pticarus exprime que les délires ont du sens. Ce qu'il a voulu dire par "j'étais un dauphin, j'ai vu des robots", ce n'est vraiment pas clair, mais pour autant, pour lui, c'était important. La pré-thérapie (je rêve du jour où cette approche sera largement démocratisée dans les formations en psychiatrie) permet, avec des compétences relationnelles avancées, d'amener la personne accompagnée à un niveau de conscience où elle pourra communiquer plus clairement. Mais surtout, je trouve ça ironique que, alors qu'on pourrait presque dire que la psychothérapie est née avec l'analyse des rêves (le premier livre majeur de Freud est L'interprétation des rêves), les réflexions sur la compréhension des propos délirants soient si peu répandues, ou alors si peu médiatisées. Les deux me semblent pourtant extrêmement proches et je ne serais pas surpris que, par exemple, les bases posées dans L'interprétation sociologique des rêves permettent des avancées significatives.

L'intérêt serait à la fois thérapeutique et, j'en reviens au premier message relevé dans cet article, social, puisqu'il contribuerait à ce que les personnes qui délirent soient moins déshumanisées, un regard qui n'a pas lieu d'être.

Comments


Grégoire Taconet Psychopraticien ACP

 

Membre de la FF2P et de l'AFP-ACP

Directeur de mémoire pour ACP France

Cabinet Via Sana

21 avenue Jean Jaurès

69007 Lyon

gtacp@orange.fr

0768457176

Retrouvez moi aussi sur Facebook

Logo (un phoenix prend son envol, une montagne est en arrière plan)

Crédit photos : Donatien Gnackli ZEBI

© 2023 par Grégoire Taconet ACP. Créé avec Wix.com

bottom of page