
"C'est un choc de réaliser que l'efficacité thérapeutique ne tend pas à s'améliorer avec l'expérience professionnelle. Le fait que la confiance des thérapeutes, sinon leur expertise, augmente avec l'expérience, aide à expliquer ce constat regrettable." Kevin Keenan et Shawn Rubin
Cet extrait du chapitre sur l'état de la science sur les qualités pertinentes du ou de la thérapeute dans le Manuel des psychothérapies humanistes (Humanistic psychotherapies : Handbook of Research and Practice, pour ceux et celles qui voudraient le titre original et complet), est en effet, c'est le moins qu'on puisse dire, un choc.
Comment expliquer que des années et des années de pratique, la formation continue, ne fassent pas de meilleur·e·s thérapeutes? C'est presque un non-sens! La réponse des auteurs est aussi directe que dure à entendre : ce serait un manque d'humilité qui entraverait à ce point un gain de compétence qui devrait aller de soi. C'est dit, et sourcé, ailleurs dans le livre (et dans d'autres, d'ailleurs) : les thérapeutes tendent à surestimer leur compétence.
Malheureusement, la thérapie fournit en effet de merveilleux outils pour entretenir ce sentiment de réussite. Un·e client·e ne revient pas? C'est que la thérapie l'a aidé·e rapidement, ou alors que le courant n'est pas passé, et qu'est-ce qu'on y peut, ou encore qu'iel n'était pas vraiment prêt·e à s'investir. Les progrès stagnent, ça devient conflictuel? C'est de la résistance, un problème qu'on peut difficilement régler pour l'autre. Le·a client·e reste, exprime de la satisfaction? Tout va bien alors, inutile de s'assurer qu'iel partagerait effectivement sa contrariété, ses questionnements, le cas échéant.
Ces exemples sont peut-être un peu caricaturaux, mais plus objectivement, mesurer l'efficacité de ce qu'on propose est complexe. Lire dans les pensées, c'est impossible (si si, même avec beaucoup d'expérience), les points de repères constitués avec le temps sont difficiles à remettre en question et, des points de repère, il en faut bien, et le fait que tou·te·s les thérapeutes et toutes les thérapies ne conviennent pas à tout le monde est une réalité. Par ailleurs, ne pas assez douter, Kevin Keenan et Shawn Rubin sont explicites, a des conséquences regrettables, mais trop douter ne fait pas avancer non plus (le·a débutant·e convaincu·e de mal faire à chaque séance si ce n'est à chaque intervention, que la plupart des thérapeutes ont été, a pu le constater).
Les solutions données pour éviter cet écueil ne sont pas originales, mais résonnent d'autant plus après un constat aussi stupéfiant : rester humble tout au long de sa carrière bien sûr (c'est dans la phrase), prendre la formation continue très au sérieux, et ne jamais cesser d'estimer qu'on a à apprendre des client·e·s.
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