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Photo du rédacteurGrégoire Taconet

Citation de la semaine 15

Dernière mise à jour : 18 sept.


Photo d'Irvin Yalom


"Au moment où leurs homologues masculins ont accompli une réussite matérielle et sont prêts à se rediriger vers des considérations altruistes, de nombreuses femmes âgées de la quarantaine sont, pour la première fois de leur vie, préoccupées d’abord par elles-mêmes plutôt que par les autres" Irvin Yalom


Cette citation, avec le style très direct qui caractérise Irvin Yalom, rappelle de façon éloquente que la société ne s'arrête pas à la porte du cabinet. La thérapie peut bien s'inscrire dans un courant qui s'appelle le courant humaniste (c'est le cas pour moi, et pour Irvin Yalom), ça n'annule pas d'un coup de baguette magique les inégalités de genre, de classe sociale (qui a une influence évidente sur la place que les séances prennent dans le budget voire sur la possibilité de payer des séances tout court, mais aussi potentiellement sur le sentiment de légitimité), l'exposition quotidienne au racisme (et le rapport plus ou moins défensif au sujet que peut avoir un·e thérapeute qui n'y est pas confronté·e), ... Il est d'ailleurs rappelé dans Politicizing the person-centred approach (oui, le titre est explicite) que "les thérapeutes ont plus de chances d'être blancs et de classe moyenne" ce qui a, qu'on le veuille ou non (je préfèrerais que non!) une influence sur la représentation de l'espace thérapeutique pour les client·e·s... et pour les thérapeutes! Moi le premier, j'aimerais mieux penser que bien sûr que non, c'est impossible que je prolonge à mon insu dans cet espace si précieux les discriminations préexistantes dans la société, mais c'est une réalité contre laquelle il est plus facile de lutter en en prenant conscience, même si c'est pour le moins inconfortable.


Les inégalités peuvent se glisser, de façon souvent insidieuse, dans les représentations de part et d'autre (est-ce que si ma cliente est une femme je vais prendre ses ambitions professionnelles au sérieux exactement autant que si c'est un homme? est-ce qu'un·e client·e noir·e ou arabe ne va pas être hésitant·e à parler de traditions ou de certains aspects de sa vie familiale par peur d'avoir de la condescendance en face?) mais aussi, comme dans la citation d'Irvin Yalom, dans les enjeux du développement personnel. Les grandes thématiques existentielles de la liberté, du sens de la vie, ne concerneront pas les mêmes objectifs concrets selon le contexte, l'environnement. Irvin Yalom donne un exemple extrêmement concret dans Et Nietzsche a pleuré : le prestigieux médecin Joseph Breuer décide de tout envoyer promener (mariage, travail, ...) pour changer radicalement de vie. Ledit changement de vie constitue entre autres à rejoindre une infirmière qui était amoureuse de lui (si si, il en est sûr, elle lui a envoyé des signaux). Quand il la retrouve après un long voyage, c'est la douche froide : elle ne lui a pas spécialement envoyé de signaux, mais surtout sa grande inspiration de conquête de liberté la fait moyennement vibrer. Pour elle, la liberté, ce n'est pas prendre le train vers son destin (ce qu'elle n'a par ailleurs pas les moyens de faire littéralement), c'est d'arrêter de travailler de nuit. Ce qui, ça va de soi, ne veut dire à aucun moment que son épanouissement est moins légitime que celui de Joseph Breuer. Il semble d'ailleurs qu'elle a les idées bien plus claires que lui sur ses besoins, sur ce qui est important pour elle.


Un dernier mot sur la citation d'Irvin Yalom, extraite de son livre Thérapie existentielle : elle date de 1980, je doute qu'elle soit moins vraie aujourd'hui.

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