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  • Photo du rédacteurGrégoire Taconet

Transphobie et pseudosciences : et maintenant le Cass Review

Dernière mise à jour : 11 août


Bande dessinée en 4 cases. 1ère case, Winnie l'Ourson (à côté de Porcinet, avec un pot de miel devant lui) dit I love honey. 2nde case, il dit : "but you know what I don't like?" 3ème case : "Transphobia" 4ème case : il regarde le·a lecteur·ice d'un air sévère, le fond est remplacé par le drapeau trans


 L'un des outils des offensives transphobes pour être relayées médiatiquement est de s'appuyer sur des affirmations qui peuvent avoir l'air sérieuses et élaborées vues de loin, même si elles s'écroulent vite dès qu'on creuse ne serait-ce qu'un peu. Malheureusement, c'est efficace pour avoir un relais médiatique, alors que le travail des journalistes est supposé être, précisément, de creuser ne serait-ce qu'un peu.


 Je suis trop jeune pour avoir entendu parler en direct de l'autogynéphilie, qui est l'idée selon laquelle les femmes trans feraient une transition pour être attirées par leur propre corps. Inutile de commenter longtemps cette affirmation qui en dit selon moi bien plus sur les personnes qui l'ont élaborée que sur les personnes visées, sinon pour dire que quand bien même ce serait le cas, ce ne serait pas une raison pour stigmatiser les personnes concernées ni pour ne pas défendre fermement leurs droits fondamentaux.


 Beaucoup plus contemporain, la "Rapid Onset Gender Dysphoria", portée en particulier par l'association Observatoire de la Petite sirène, a été relayée avec une énorme complaisance, jusqu'à trouver une place dans les pages du... Journal des Psychologues. Le propos est cette fois-ci de postuler que les adolescent·e·s s'interrogent sur leur genre et surtout demandent à transitionner par effet de mode, et bien sûr il serait très important d'éviter ça parce que la chirurgie par exemple a des conséquences irréversibles (vu le temps qu'il faut pour être opéré·e, on part quand même sur un effet de mode qui dure un moment!). Cette affirmation s'appuie sur une étude qui a consisté à demander à... des parents, s'iels estimaient que leur enfant avait transitionné ou voulu transitionner par effet de mode. Ce n'est pas une blague. Et lesdits parents ont été recruté via des annonces sur des sites opposés à la transidentité. Une méthodologie qui semble satisfaisante, donc, pour entre autres le Journal des Psychologues.


 Il y a aussi l'argument du pourcentage élevé de personnes qui détransitionnent. Imparable... enfin, ça s'appuie quand même sur l'idée que les personnes trans n'auraient pas, comme tout le monde, le droit de changer d'avis. Et ça s'appuie aussi sur des chiffres fallacieux, puisque la plupart des détransitions sont le résultat de la transphobie (l'argument est démonté en détail dans cette vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=Rv_cPjNNizE )


 Plus récemment, le Cass Report recommande d'éviter de prescrire des bloqueurs de puberté et des hormones aux adolescent·e·s car leur efficacité sur le bien-être n'a pu être confirmée, et de plutôt proposer un accompagnement thérapeutique qui prend au sérieux la dysphorie de genre, mais aussi les autres souffrances (dépression, anxiété, ...) qui pourraient causer la dysphorie de genre. Et contrairement aux arguments listés précédemment, le Cass Review, c'est du sérieux! C'est une revue de la littérature scientifique menée sur 4 ans, dirigée par l'ancienne présidente du Royal College of Paediatrics and Child Health, et demandée par le système de santé britannique! C'est à se demander pourquoi Amnesty International, ou l'American Academy of Pediatrics, trouvent le moyen d'être critiques.


 En effet, le travail est bien plus solide que l'article "démontrant" le problème du Rapid Onset Gender Dysphoria... parce que la barre est placée très bas. Mais des critiques méthodologiques assez fermes ont été formulées, qui remettent en question le sérieux voire la bonne foi du travail. La principale est que de nombreuses études ont été exclues, sous couvert d'intransigeance et de rejet de tout ce qui n'est pas ultrasolide, car il ne s'agissait pas d'essais randomisés (on compare un groupe avec placebo à un groupe avec traitement, et les membres de l'un et de l'autre groupe sont tirés au sort). Sauf que cette méthodologie, qui implique de donner un placebo à des personnes qui auraient besoin du traitement, n'est pertinente que pour des traitements nouveaux, alors qu'on bénéficie de nombreuses années de recul pour les bloqueurs de puberté et les hormones. Plus spécifique, Maxence Ouafik relève sur le site Queerologie que des études en langue étrangère ont été inclues et jugées extrêmement fiables... alors qu'il y a très peu d'infos sur leur méthodologie, mais que leur conclusion va dans le sens de celles du rapport ( https://queerologie.org/posts/cass-series/cass-guidelines/ ).


 Une autre objection faite est que l'intérêt de la psychothérapie a la place (et non en complément de, par exemple) des approches médicales, recommandées, n'est pas démontrée solidement, et encore moins avec le sérieux extrême au point d'être insolite exigé pour vérifier l'efficacité des prescriptions d'hormones ou de bloqueurs de puberté.


 Evidemment, ça sonne bien, de dire qu'il faut interroger les autres causes avant de se précipiter sur une prescription médicale. Sauf que là, et ça a des conséquences puisque les recommandations sont suivis par le NHS, il s'agit, en exagérant à peine, pour une personne demandant à transitionner, de lui dire qu'on a rien contre l'idée mais qu'avant de lui permettre de le faire on va vérifier ( potentiellement pendant des années) si ce n'est pas n'importe quoi d'autre avant d'envisager de la laisser faire ce qu'elle demande. Et empêcher de transitionner, thérapie à côté ou non, peut générer un mal-être extrême allant jusqu'au suicide. Ajoutons qu'Hillary Cass s'est aussi opposée à l'interdiction des thérapies de conversion par peur... que ça ne décourage des thérapeutes d'accompagner des personnes trans (elle est aussi opposée, par exemple, à l'interdiction des punitions corporelles à l'école de peur que ça ne décourage des enseignant·e·s d'exercer? on peut aller loin avec ce type de prévenance...).


 Entre les paniques morales et les arguments très approximatifs au niveau scientifique mais qui peuvent avoir l'air sérieux vu de loin, la transphobie bénéficie d'un relais médiatique qui fait du mal de façon extrêmement concrète aux personnes concernées, que ce soit en rendant effrayant quelque chose qui n'a pas lieu de l'être ou en donnant une légitimité à des personnalités politiques pour légiférer dans un sens contradictoire avec les droits fondamentaux. Sources :

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