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Photo du rédacteurGrégoire Taconet

Les livres qui m'ont marqué : L'analogie, cœur de la pensée, de Douglas Hofstadter et Emmanuel Sander

Dernière mise à jour : 18 sept.



Couverture du livre. Fond blanc, pas d'illustration, figurent le titre, le nom des auteurs, le logo de l'éditeur (Odile Jacob)

 Se former pour être thérapeute, c'est ingurgiter beaucoup de connaissances, mais c'est aussi un parcours personnel, avec des découvertes, des surprises, qui vont modifier, parfois radicalement, ce qu'on estime être censé·e faire en tant que thérapeute et/ou la façon la plus pertinente de le faire. Dans cette rubrique, qui devrait comporter si tout va bien un article par mois, je vais parler de livres qui m'ont fait cet effet.


 Le moins qu'on puisse dire, c'est que je ne m'attendais pas à ce que ce livre là soit une révélation, puisque je l'ai lu parce qu'il était au programme (du Master clinique de l'enfant et de l'adolescent, pour lequel je n'ai finalement pas été pris), et surtout parce que c'est un livre de psychologie cognitive (domaine qui s'intéresse aux performances du cerveau : mémoire, raisonnement, ...), ce qui est certes intéressant mais qui me porte infiniment moins que ce qui concerne directement le domaine de la thérapie.


 Sauf que... pas de thérapie sans comprendre l'autre, sans communiquer, et c'est là que le livre est marquant alors qu'il traite d'un sujet a priori complètement anodin. Oui, on peut difficilement s'exprimer sans analogies (au point que les auteurs citent des critiques de l'analogie... qui utilisent des analogies, comme "s'en servir pour raisonner, c'est errer parmi d'innombrables absurdités"!), oui, l'analogie permet de mettre en valeur un aspect spécifique de l'objet évoqué, c'est bon, on a compris, on a fait les métaphores au collège, laissez-nous tranquilles. Mais... en plus d'être si omniprésente que le plus souvent on ne la voit pas, l'analogie une fonction spécifique que les chercheur·se·s en psychologie cognitives appellent la catégorisation.


 J'ai le souvenir de m'être arraché les cheveux devant les cours de L1 et de L2 qui parlaient de catégorisation, les auteurs arrivent à rendre le sujet très concret. La catégorisation, c'est ce qui permet de faire rentrer les concepts dans des cases, de se constituer des repères dans le monde qui nous entoure ( "y a-t-il toujours abstraction lors de l'encodage des souvenirs? Oui, toujours"). Par exemple, pour une personne qui a le permis, la catégorie "voiture" permet de savoir qu'une voiture d'un modèle dont on n'a jamais entendu parler se conduira à peu de choses près comme les voitures déjà conduites (et, accessoirement, qu'une voiture c'est un truc qu'on conduit). La catégorisation est donc indispensable, et contrairement à ce que le nom pourrait laisser penser reste flexible ("le flou catégoriel n'est pas lié à un quelconque manque d'expertise, mais fait partie de l'essence même de la catégorisation").


 Pour les auteurs, l'analogie est une catégorisation, et la catégorisation est à la fois une spécificité de l'intelligence humaine (ils donnent l'exemple de la traduction, sur laquelle l'informatique se casse en effet les dents... à l'époque où le livre est paru, je serais extrêmement curieux d'avoir leur avis sur l'intelligence artificielle d'aujourd'hui) et un outil indispensable pour comprendre le monde. Pour eux, les proverbes, dictons, fables, sont d'ailleurs d'abord des analogies, qui ont plus fonction d'identifier et analyser un contexte spécifique que d'avoir une valeur de vérité (c'est pour ça que plusieurs proverbes énoncent des vérités contradictoires sans que ça ne pose problème).


 L'analogie permet donc de communiquer et de comprendre, et c'est là que son intérêt devient central dans le domaine de la thérapie, en particulier dans l'Approche Centrée sur la Personne où le travail thérapeutique consiste précisément à comprendre l'autre. Comprendre l'autre, c'est parfois renoncer à ses conceptions, aller dans un terrain inconnu où les représentations qu'on a déjà vont nous ralentir, nous parasiter. Comprendre l'autre, c'est aussi articuler différentes dimensions comme l'autobiographique, le rationnel (ce que la personne pense de ce qu'elle vit), mais aussi l'émotionnel qui passe difficilement par l'explication. L'analogie permet de vérifier, si besoin de se rapprocher par tâtonnements, jusqu'à trouver la bonne image. Et souvent, il se passe quelque chose de fort, presque magique, dans la relation quand une analogie inattendue fait "clic", fournit un outil pour préciser ce qui était présent mais flou et surtout pour le partager vraiment.

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