Se former pour être thérapeute, c'est ingurgiter beaucoup de connaissances, mais c'est aussi un parcours personnel, avec des découvertes, des surprises, qui vont modifier, parfois radicalement, ce qu'on estime être censé·e faire en tant que thérapeute et/ou la façon la plus pertinente de le faire. Dans cette rubrique, qui devrait comporter si tout va bien un article par mois, je vais parler de livres qui m'ont fait cet effet.
Il se peut que j'aie lu ce livre au drôle de titre ("Comment les client·e·s rendent la thérapie efficace") après une écoute catastrophique au cours de ma formation, mais ne le répétez pas. Ça n'a d'ailleurs pas tant d'importance, car si l'ouvrage est un hommage extrêmement pragmatique aux compétences des client·e·s, il n'est évidemment jamais question de déresponsabiliser le·a thérapeute, juste de placer la responsabilité ailleurs, ce qui est déjà énorme.
Développer une expertise, c'est prendre le risque de renforcer la sensation qu'on est un être supérieur qui va d'un geste assuré libérer de ses souffrances l'humble créature qui est venue quérir nos compétences. Bon, j'en rajoute un peu, mais vous voyez l'idée (encore que, j'aimerais être plus sûr que je ne le suis que j'en rajoute pour tou·te·s les thérapeutes).
Sauf que, évidemment, c'est faux. Et des fois, les client·e·s sont les premier·ère·s que ça n'arrange pas! Encore que, ça peut arriver que la solution soit claire dès le début ou presque, voire où une séance suffit, et quand c'est le cas, franchement, tant mieux. Mais la plupart du temps, c'est faux. Ça peut être faux parce que le problème est plus complexe qu'il n'y paraît, parce que le motif avancé pour la consultation, pour diverses raisons, en dissimule un autre plus lourd, parce que l'objectif envisagé par le·a thérapeute n'est pas le même que celui envisagé par le·a client·e... mais surtout, c'est faux parce que le·a client·e n'a pas attendu de s'asseoir face au ou à la thérapeute pour chercher des solutions!
L'auteur et l'autrice avancent d'ailleurs que les outils des différentes approches (travail sur la compréhension de soi, sur l'environnement social et relationnel, sur des solutions plus concrètes, ...) sont autant de leviers que les client·e·s auront probablement déjà cherché à actionner avant de venir! C'est un bon argument pour rester humble en tant que thérapeute, mais aussi en tant que spécialiste d'une approche en particulier qu'on pourrait être un peu vite tenté·e d'estimer supérieure aux autres. Le livre invite à prendre les client·e·s au sérieux, dans le sens de placer l'écoute avant l'expertise, pas parce que ça sonne mieux (le co-auteur dit d'ailleurs qu'il a pu observer que beaucoup de thérapeutes clament qu'ils ont cette posture, sans que ça ne se vérifie dans la pratique), mais parce que ne pas le faire, c'est prendre bêtement le risque de perdre son temps et de le faire perdre au ou à la client·e, parce qu'on a mal compris le besoin, parce que la solution qu'on a un peu vite identifiée comme (évidemment) la bonne ne convient en fait pas, plus simplement parce que quelque chose dans la relation ou dans la méthode bloque et que les réserves du ou de la client·e n'ont pas été perçues, ... Psychotherapy with"impossible" cases, de Barry L. Duncan, Mark A. Hubble et Scott D. Miller, est extrêmement proche de ce livre dans l'esprit, ce qui fait encore plus de conseils pour s'engager sur ce chemin qui reste exigeant parce que, comme je l'ai dit plus haut, il n'est évidemment jamais question de déresponsabiliser le·a thérapeute, juste de placer la responsabilité ailleurs.
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