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Photo du rédacteurGrégoire Taconet

Les livres qui m'ont marqué : Attachement et perte, de John Bowlby

Dernière mise à jour : 18 sept.


Couverture du livre Attachment, de John Bowlby. Un homme, une femme et un enfant sont dessinés de façon très figurative, un coeur figure à l'emplacement... du coeur sur la femme et sur l'enfant


 Se former pour être thérapeute, c'est ingurgiter beaucoup de connaissances, mais c'est aussi un parcours personnel, avec des découvertes, des surprises, qui vont modifier, parfois radicalement, ce qu'on estime être censé·e faire en tant que thérapeute et/ou la façon la plus pertinente de le faire. Dans cette rubrique, qui comporte un article par mois, je parle de livres qui m'ont fait cet effet.


 Ce livre est le premier de la trilogie de l'attachement (un premier volume sur l'attachement, le second sur la séparation, le troisième sur la perte et le deuil), et comme je ne le dissocie pas des deux suivants, je vais parler de la trilogie en général.


 J'ai eu la curiosité de lire ces livres en 1ère année de psycho, parce que le nom de John Bowlby, et l'expérience de la situation étrange (créée par Mary Ainsworth mais qui a énormément nourri son travail), revenaient souvent en cours de psychologie du développement (même pas en cours de clinique, tsss). Et c'était un bon timing pour le lire, parce que ça a secoué certaines conceptions.


 Les pensées psychanalytiques et évolutionnistes peuvent poser comme une évidence que l'attachement du bébé aux parents s'ancre parce que les parents le nourrissent (surtout la mère) (d'ailleurs Bowlby dit toujours "la mère" plutôt que "la figure d'attachement principale" pour gagner de la place, ce qui lui a valu pas mal de critiques). Une première expérience, non pas sur des humains mais sur des singes, a donné des indices allant dans le sens contraire. Un bébé singe, séparé de sa mère (c'est là qu'on se dit que c'est souhaitable que l'expérience n'ait pas été faite sur des humains!), a dans son environnement une sculpture en fil de fer qui tient un biberon, et une autre sculpture semblable recouverte d'un matériel plus doux. C'est pour la deuxième sculpture que le jeune singe va marquer une préférence. Cette expérience est parlante, et Bowlby, avec celle-ci mais bien sûr aussi de nombreuses autres, va démontrer en longueur que les besoins affectifs sont des besoins fondamentaux.


 Autre idée reçue qu'il était salutaire de réfuter, des paren... euh, des figures d'attachement qui répondent présent, rapidement, de façon prévisible, permettent de mieux supporter la séparation, et les situations effrayantes en général, dans l'enfance, et ces effets se prolongent à l'âge adulte. Mary Ainsworth (oui, encore elle, la théorie de l'attachement lui doit beaucoup) a par exemple observé que des bébés dont les parents tendent à arriver rapidement quand ils pleurent, pleurent moins fort et se calment plus vite. Les mères à qui on a reproché de trop prendre leur bébé dans leurs bras doivent regretter que le travail de Bowlby (et d'Ainsworth, donc) ne soit pas mieux connu! Pour Bowlby, on ne donne trop de marques d'affection à un bébé ou un enfant que quand lui-même exprime qu'il en a marre. Les doudous, sucettes (je vais écrire "succion non-nutritive" à la place pour avoir l'air plus intelligent) ont aussi leur utilité, comme substitut des parents, pour mieux supporter la séparation.


  La lecture de Bowlby m'a beaucoup apporté sur le coup, mais pour être tout à fait honnête j'étais aussi content de passer à autre chose après avoir enquillé les trois volumes de suite. En fait, plus le temps passe, plus j'y accorde de la valeur (et il s'est passé pas mal de temps depuis cette première lecture, merci de ne pas me rappeler combien). J'aime beaucoup la citation, attribuée alternativement à Einstein ou à Maslow, "quand on a la tête en forme de marteau, on voit tous les problèmes sous forme de clou". Mon marteau, c'est la théorie de l'attachement.


 Si l'enjeu ne concernait que des recommandations de parentalité pour que l'enfance se passe bien, ce serait déjà beaucoup, mais on en est loin. Les besoins affectifs restent des besoins fondamentaux à l'âge adulte (et c'est une personne introvertie qui a travaillé de nuit pendant 13 ans qui vous le dit) et la sécurité de l'attachement a des conséquences sur les relations amicales, amoureuses (Susan Johnson notamment a bâti son modèle de thérapie de couple dessus... et je vais m'y former un jour, mais si!), sur les capacités à poser des limites, à traverser les moments difficiles... C'est un pilier d'un nombre croissant d'approches, y compris pour le traitement des traumatismes.


 J'y suis d'autant plus attaché (je compte sur vous pour ne pas juger ce jeu de mots) que, pour moi, l'Approche Centrée sur la Personne, c'est une application de la théorie de l'attachement (même si ça a existé avant). L'approche positive inconditionnelle, l'un des trois éléments fondamentaux de l'écoute selon Carl Rogers, est un écho plutôt ostensible à la bienveillance stable qui est la condition d'un attachement sécure. Les deux autres éléments, l'empathie et la congruence (l'authenticité du ou de la thérapeute), renforcent la dimension relationnelle. La théorie de l'attachement est centrale, fondamentale, et on n'a pas fini de découvrir à quel point.

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